HISTOIRE DE POLICE
Tous les jours les policiers sont confrontés au mal. Un agent de police fait le récit de la macabre tragédie d’un meurtre-suicide
La police sur la scène d’un meurtre-suicide au sud de Montréal. PHOTO : Journal de Montréal
La première semaine de juillet aura été particulièrement meurtrière pour les policiers de la région métropolitaine de Montréal, alors que cinq meurtres ont été commis par un homme en l’espace de moins de 24 heures. L’homme d’affaires désemparé a tiré et tué son avocat et une notaire enceinte dans un bureau de Terrebonne, au nord de Montréal. Quelques heures plus tard, il visait et tuait ses deux fils avant de se suicider à son domicile au sud de Montréal. Les deux services de police n’ont pas tardé à faire le lien entre les meurtres. Le texte qui suit a été rédigé par un membre anonyme du Service de police de Longueuil d’où provenait les policiers qui, dépêchés sur les lieux, ont trouvé les trois corps.
Cette semaine, nous avons eu à rencontrer le mal. Le vrai.
Des collègues à moi ont reçu cet appel à glacer le sang. Ils ont dû faire leur travail… ils ont dû entrer à cet endroit… et découvrir des corps. Trop de corps. Certains si jeunes… trop jeunes. Que du morbide. Du glauque. Du macabre. Pensez aux scènes de films d’horreur les plus tordues que vous avez vues… et multipliez cette atrocité par dix. Vous avez maintenant une vague idée de ce qu’ils ont vu.
Malgré cette scène répugnante, the show must go on. Nous n’avons pas droit à l’erreur. Il faut penser à tout : évacuations, sécurité des intervenants, périmètre à ériger, témoins à rencontrer, médias à gérer, rapports à rédiger et… famille à aviser.
De notre côté, nous avons justement été chargés d’annoncer le pire à une maman déjà trop inquiète… Comment trouver les mots ? Comment se préparer à entendre ce paralysant cri de désespoir ? Comment se préparer aux larmes, aux supplications, au déni et à la rage de cette mère qui a tout perdu ? Comment se préparer à lui annoncer tout bonnement que son ticket pour le bonheur est expiré ? Qu’elle ne verra plus ses amours ? Ne leur parlera plus ? Ne les serrera plus dans ses bras ? N’aura plus jamais à s’inquiéter pour eux ? N’aura jamais de petits enfants ?
Impossible direz-vous. Et vous avez raison.
Le plus incroyable, c’est qu’à peine 24 heures après ce drame, nos bottes sont à nouveau sur l’asphalte. Nos fesses sont dans le “cab”. On prend nos appels…alors que l’on reverait d’une petite trêve. On rencontre des gens et on doit user de tact, d’empathie, de courtoisie… alors que l’on voudrait rester en paix dans notre bulle encore quelques heures. On patrouille, on donne nos tickets, on se fait insulter… la routine quoi ! Mais on est sur la corde raide : qui sait si un autre drame du genre ne se jouera pas encore ce soir sur notre territoire ? À quand la prochaine horreur innommable ?
…Et pourquoi faisons-nous tout cela ? Pour vous. Dans l’espoir peut-être irréaliste que de telles tragédies ne surviennent plus.
Nous nous battons ainsi quotidiennement contre le Mal, sous toutes ses formes. Et nous continuerons jusqu’à notre dernier souffle.
C’est aussi ça, être policier.